MA SOLANGE, COMMENT T'ÉCRIRE MON DÉSASTRE, ALEX ROUX
De Noëlle Renaude, création 2007
« J’écoute beaucoup les gens parler. Je préfère la langue "sale" du quotidien, pleine de "déchets", d’archaïsmes, de néologismes, d’emprunts étrangers, d’argots… au lyrisme du beau langage. La beauté se trouve dans les faillites. Mais je ne m’inscris pas dans le réalisme : je manie les effets du réel. Je réinvente complètement la partition. »
Noëlle Renaude
«[Noëlle Renaude] sait parler des amours ratées, du rêve empêché, du désenchantement. Mais c’est un théâtre de l’espérance. Comme chez Beckett, les personnages sont brutalisés par l’existence, mais ils continuent. Ils ont le culot de continuer »
Lucien Attoun, codirecteur de Théâtre Ouvert
Les mots de Noëlle Renaude affluent, dévalent, inondent. Ils obstruent le vide qui nous guette, en même temps qu'ils le révèlent. Ils s'inquiètent, évitent ou vomissent l'angoisse du "après-nous ?". Cette détresse surgit de mille bouches. Chacune, avec sa langue singulière, avec la précision des noms, des dates, des lieux, les listes de courses, la météo…. C’est le détail qui raccroche à la vie. Certains personnages se retrouvent à plusieurs reprises et d’autres n’apparaitront que le temps d’une phrase. On peut parfois en oublier un pendant une centaine de pages et le retrouver subitement évoqué dans une conversation, une liste des morts, un mur de chiottes, …
Ce déferlement de personnages qui semblent d'abord incohérents s'organise petit à petit autour du nom d’Alex Roux. On s'oriente et on se perd dans son univers. Entraînés dans une chronologie éclatée et cahotante, nous avons trouvé nos repères et esquissé une cartographie possible. Elle restera hypothétique et mystérieuse.
Cinq corps, cinq comédiens pour être le relais d'Alex Roux, qui lui même rapporte en plus de sa parole les voix qu'il a croisées dans sa vie. On ne sait jamais qui parle, apparitions fulgurantes, fantomatiques, trop brèves pour être analysées, déterminées. Nous convoquons ces voix dans une salle de bal imaginaire, un bal sans âge, sans début ni fin, intemporel, où se croisent les fantômes d'Alex Roux sans logique chronologique. Le bal comme lieu de rencontre, de réunion, lieu de drames sentimentaux, de bagarres brutales, lieu du divertissement qui repousse, remet à plus tard les questions qui dérangent - où chaque individu peut être spectateur de l'autre, qui danse ou qui boit, qui parle fort ou qui accoste, qui chante ou fait son annonce au micro. C’est la scène sur la scène.
Texte-fleuve
Ce texte a été conçu à l’origine pour un seul comédien, Christophe Brault - aventure d’écriture partagée sur plusieurs années entre l’auteur et le comédien. Il existe trois tomes de « Ma Solange, comment t’écrire mon désastre, Alex Roux », tous trois comportant précisément 127 pages chacun, et se suivant de très près. Nous avons commencé par le début- bien qu’il n’y ait pas véritablement de début- et sommes arrivés à la page 34. On s’arrête pour s’arrêter mais ça ne s’arrête pas, c’est interminable.
Renaude donne une matière orale, pas seulement des situations, pas seulement des mots, mais aussi comment les dire. Il faut suivre la précision orthographique et l’imposante ponctuation. Il y a à se délecter de cette langue, à se la mettre en bouche, à s’amuser de ces accents, de cette écriture orale, de ce langage tronqué : c’est lui qui nous touche, il faut simplement lui donner vie, lui donner voix.
PRODUCTION
Projet soutenu par la DRAC Bourgogne, le Conseil Régional de Bourgogne et la Ville de Dijon.