Extrait
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Je t'aime. Je t'aime toi. J'ai besoin de toi. J'aime ce qui existe. Je t'aime toi. Tu es là. J'aime ce qui existe plus que ce qui n'existe pas. Je m'enfonce. Tu es vivante. Je t'aime. J'ai besoin de qui vit. J'aime d'amour. Je ne sais plus ce que tu es. Je m'enfonce. J'ai le vertige. Je t'aime. C'est toi que j'aime. Tu es. J'aime ce qui est. J'ai besoin de ce qui est. Je t'aime. C'est toi que j'aime, toi plus que tout autre, toi plus que tout ce qui existe. Je suis amoureux de toi. Je t'aime plus que tout ce qui n'est pas toi. Toi, tu es là. Je tombe dans tes bras, je veux te prendre dans mes bras. Je suis pris de vertige, tu existes. Je n'aimerai rien de tout ce qui n'existe pas que toi, que toi, tu es. J'aime ce qui est plus que tout ce qui n'est pas, je m'enfonce, c'est toi que j'aime.
AMOUR, DE CHRISTOPHE TARKOS
La langue de Christophe Tarkos est un riche matériau à mettre en voix. Déflagration incessante, la "pâte-mot" nous emmène dans une nouvelle langue, obsessionnelle, radicale, désespérée.
Décédé des suites d'une longue maladie en 2004, il résumait sa biographie ainsi (Site des éditions POL) :
"Je suis né en 1963. Je n’existe pas. Je fabrique des poèmes.
- je suis lent, d’une grande lenteur
- invalide, en invalidité
- séjours réguliers en hôpitaux psychiatriques depuis 10 ans."
"Il organise un travail de sape de la langue ; une poésie de déconstruction ; il s’attaque à la langue dans sa matérialité. [...] en soumettant la langue et les mots à une sorte d’incantation ou de psalmodie, les malaxant en une sorte de purée de sons : le pâte-mot. Il aboutit ainsi à une sorte de superficialité de la langue, n'ayant d'abord qu'à proposer sa matérialité : paradigmes, grammaire, sons. C'est l'agencement et le montage qui donnent ensuite cette impression d'emportement, ou d'étouffement dans les méandres des rythmes." (Bernard Demandre, Mediapart)
Presque un cri, comme une parole de l'inconscient dont l'écho est universel. Tarkos lisait lui-même ses textes, improvisait aussi : performeur saisissant à l'accent marseillais, il fabriquait des fleuves de mots en répétition, se jouant du son pour surprendre le sens.