De l’intérêt réciproque de faire intervenir des artistes professionnels dans les ateliers théâtre en milieu scolaire :
J’interviens auprès d’ « élèves », depuis le tout début de ma carrière de comédienne/metteuse en scène. Les contextes ont été très variés, les collaborations très différentes, et une synthèse ne pourrait se faire en quelques lignes. Ce qui est sûr, c’est que j’aime confronter ma pratique à des personnes dont ça n’est pas le métier, élèves ET enseignants. Et je crois que cette « différence » éveille curiosité et partage des deux côtés.
Faire des ponts, relier, partager l’intelligence et le sensible, questionner ensemble, dépasser les à priori de part et d’autres, fraterniser, ouvrir les portes et faire entrer l’école au théâtre, qui est juste un espace vide où tout est possible, ou pour faire entrer le théâtre dans l’école : c’est possible avec les ateliers/interventions/stages etc… menés conjointement (et c’est un point essentiel) entre un artiste et un enseignant.
On me dit souvent que je travaille avec les élèves comme s’ils étaient de vrais comédiens mais je dirai plutôt que je cherche à transmettre avec ténacité ce qui me passionne, en l’occurrence le jeu d’acteur, et celui-ci demande une grande énergie et une grande exigence, contrairement aux apriori avec lesquels les élèves arrivent, où il y aurait ceux qui sont « naturellement bons » et les autres. On essaie d’abattre d’abord beaucoup de stéréotypes et d’expliquer que tout le monde peut être « bon » s’il s’investit, s’il travaille, s’il cherche et s’il aime tout ça ! J’essaie de réveiller cette énergie en eux et qu’elle se mette au service d’un groupe. Je leur démontre l’importance de travailler - même si ça leur semble un « loisir », une distraction, car après tout ça s’appelle « jouer » - car le jeu nécessite concentration, mémorisation du texte, mémorisation chorégraphique souvent… une certaine « technique » donc, pour pouvoir mieux s’exprimer, être libre, inventer et enfin … jouer. Le plaisir dans une démarche et avec des outils qu’on s’est forgés, et non dans l’instantanéité : un contre-courant pas évident.
Pratiquant un théâtre dit « contemporain », c’est aussi toujours surprenant de redécouvrir leurs « réflexes » quand on leur demande d’inventer leur mise en scène : souvent très naturalistes, très « scolaires » aussi, très « sages ». C’est donc tout un imaginaire que je cherche à réveiller, où l’on peut faire semblant, où l’on peut inventer des détournements, où l’on peut transposer, et cette LIBERTÉ là, voire cette TRANSGRESSION là est un souffle d’air qui leur ouvre des portes dans la découverte d’eux-mêmes, des autres, et d’un fonctionnement « ensemble ». Se révèlent alors des univers passionnants, des sensibilités extrêmement touchantes et inspirantes.