OPÉRA SUR L'HERBE
Création théâtrale et chorégraphique en jardin, 2006
Dans le cadre de la septième édition du festival « Entre cour et jardins », le Théâtre de Ume a eu carte blanche.
Ce sera "Opéra sur l'herbe".
Pour cette troisième création, Emilie Faucheux, comédienne et metteur en scène, conçoit une série de tableaux vivants dans les jardins de Barbirey sur Ouche où elle emprunte des formes inspirées venant aussi bien du théâtre, de la danse et du chant.
Utilisant les jardins de Barbirey comme esthétique préexistante à l'œuvre, Opéra sur l’herbe est emprunt d’art lyrique et pictural, et se conçoit sur un principe de tableaux vivants, inspirés des grands peintres de différentes périodes : Vermeer, Renoir, Degas, Manet, Goya, Rembrandt, Picasso etc., et de réalisateurs comme Tarkovski et Bergman.
Opéra sur l’herbe se présente comme une oeuvre plastique tout autant que théâtrale et chorégraphique, qui tentera la forme parfaite pour mieux témoigner de sa déchéance, de sa déconstruction sans oublier l’autodérision.
Le jardin est comme une scénographie déjà là, à laquelle on ajoute simplement quelques éléments. Le but n'est cependant pas de faire découvrir les jardins, de faire la visite des lieux par le biais de l’acte artistique mais d’utiliser le lieu comme esthétique préexistante à l’œuvre. L’acte artistique vient donc s’inscrire dans le jardin non pour mettre en valeur le lieu, mais pour résonner avec une matière déjà là : couleurs, formes, éléments… architecture vivante.
L’état poétique des images
Opéra : de l’italien qui signifie œuvre. « Opéra sur l’herbe » est donc une œuvre en herbe.
On compose d’abord l’image, instinctive, des images arrêtées et des images en mouvement, les corps indispensables à l’intérieur des tableaux, en dépense quasi permanente, passionnés. On cherche l’émotion esthétique, ce que nous appellons l’état poétique des images, une sublimation.
C’est le montage qui donnera sens.
La première signification de sublimer vient de la chimie : faire passer de l’état solide à l’état gazeux. Alors il s’agira de cela, de passer de l’état stable à l’état de corps fluide indéfiniment expansible, occupant tout le volume dont il dispose : vapeur invisible, émanation, faible cohésion.
Une tribu d’habitants du jardin
« Ce troupeau qui vient là, comme des pachydermes lents, avançant à la file, leur masse est et n’est pas. Qu’en feraient-ils ? Comment la porteraient-ils ? Cette lourdeur, cette démarche ankylosée n’est qu’un parti qu’ils ont pris pour échapper à leur légèreté qui les épouvante à la longue.
Et va le cortège des énormes baudruches qui essaie de s’en faire accroire. »
Henri Michaux, Portrait des Meidosems
Au départ, on ne sait pas très bien qui ils sont, d’où ils viennent et ce qu’ils font là. Ils nous apparaissent discrètement, depuis un bosquet, derrière un tronc d’arbre, au loin perdus dans l’étendue du jardin. Ils semblent craintifs, sauvages, ils se cachent mais font preuve d’une certaine curiosité quant à notre présence. Furtivement, on entrevoit quelques regards, quelques silhouettes, timidement. Puis, chacun leur tour, ils traversent devant nous dans une course effrénée, jetant spasmodiquement vers nous des regards avides. Ils sont cinq, hommes et femmes, vêtus en vieilles robes et vieux costards, comme des naufragés échoués dans le jardin depuis plusieurs années. Naufragés de quoi ? D’un crash d’avion bombardés par les allemands ? Personnages échappés des tableaux du château? Fantômes des lieux ?
Ils nous apprivoisent, lentement, et viennent de plus en plus près. Puis ils disparaissent et reviennent en poussant vers nous une baignoire blanche qu’ils semblent adorer. C’est leur trophée, leur fétiche ; ils le fêtent, ils paradent, ils nous oublient, réinvestissent leur espace comme avant notre arrivée. C’est elle qui leur procure la mélodie, c’est pour cela qu’ils y sont attachés, chaque fois qu’un corps entre dans la baignoire, la musique apparaît, et ils dansent.